dimanche 21 novembre 2010

Jour 6 - Taebaek, Land of Embers : Dans l'antre noire...


Si j’avais été partagée par le documentaire du même réalisateur présenté l’an passé au FFCF, Portrait de famille (2007), je dois dire que Taebaek, Land of Embers (2008) m’a complètement réconcilié avec Kim Young-jo.

Taebaek est une région en pleine mutation suite à la fermeture successive des mines, qui ont longtemps fait vivre une majorité de la population. Aux portes d’un renouveau économique insufflé pas les dirigeants, les mineurs et familles de mineurs s’interrogent sur le sort qui les attendent et se livrent face caméra aux injustices dont ils sont victimes.

Le début du documentaire est énigmatique. Un gros plan sur un lieu qu’on peine à définir puis ces longs plans sourds sur ces mines. Une description précise de l’environnement de ces travailleurs du charbon avant de se fixer sur des portraits teintés d’humour parfois, mais un humour noir, de pudeur et de sincérité. C’est ce qui restera la force de ce documentaire. Car les rencontres et les témoignages sont bouleversants. Se détache de ces mots jetés face caméra une détresse profonde, conséquence d’un abandon total des autorités. Une population entière qui vit dans l’injustice, le mensonge et les promesses avortées.

Kim Young-jo donne de la force à son documentaire en montrant le rapport de l’homme à la mine et celui de l’homme à l’homme. Deux confrontations qui parviennent à communiquer le désarroi d’une population entière. Si le cinéaste ne m’avait pleinement convaincu dans Portrait de famille pour son aspect superficiel, il renoue ici avec la brutalité du genre documentaire.

Diana

Rédigé par Diana

Jour 5 - Sa-kwa : Ma vie [Festival Franco-Coréen 2010]



Dur dur de concilier programme et disponibilité, Sa-kwa (2008) au 5ème jour du FFCF fut - seulement - le 3ème long métrage que je découvris de la sélection. Ce n’était pas peine perdue puisque ce dernier a fait son petit effet. Oui j’ai vécu un bon moment devant ce récit aux personnages tiraillés. Sous les traits de Hyun Jung (jouée par la brillante Moon So-ri), Kang Yi-kwan dépeint la vie sentimentale d’une femme entre pression familiale et remise en question.

Après sept ans de vie commune, la relation entre Hyun Jung et Minseok s’interrompt brutalement. Anéantie, cette dernière perd goût à la vie. Pendant ce temps, Sang-hoon, un de ses collègues, lui tourne incistamment autour. Ignoré dans un premier temps, Hyun Jung se laisse charmer par la ténacité et la maladresse de son prétendant.

Sa-kwa est la photographie d’une vie de femme. Un drame qui parvient avec légèreté à distiller les questionnements qui émane du personnage féminin qu’est Hyun Jung. D’un amour passionné à la rupture amoureuse, le cinéaste dépeint les états d’âme de cette femme, mais aussi et surtout l’environnement qui l’entoure. Ce n’est pas tant les conséquences qui l’intéressent mais les facteurs qui ont influencés Hyun Jung dans ces choix comme celui de son futur mari, un homme qu’elle a de prime abord ignoré. Inconsciemment s’enracinent les résultantes d’un échec amoureux et d’une pression familiale, et de manière cohérente, surgit la volonté irrépressible de reconstruction.

Le film est porté par des interprétations de première qualité, avec en tête l’actrice Moon So-ri et l'incroyable CHOI Yeong-In, dans le rôle titre d’une mère désarmée et contrariante. Sa-kwa est une petite réussite pour ses moments de fraîcheur et son développement soigné. Il aurait été malheureux de le laisser une année de plus dans les cartons.

Diana

Rédigé par Diana

Jour 8 - Une cérémonie, un palmarès, un dernier film... Goodbye FFCF 2010


Ca passe vite une semaine, lorsqu’on la comble par une pluie de films coréens. Eh oui, il est déjà fini cet enchaînement frénétique de longs et courts métrages entre les deux salles de l’Action Christine ! Beaucoup de souvenirs en perspective, cinématographiques et humains. Mardi soir, pour célébrer la clôture du festival, les spectateurs se bousculaient moins qu’à cette soirée inaugurale particulièrement courue. Cette dernière soirée aura plutôt été la réunion des fidèles, de ceux que l’on aura vus tout au long de la semaine, ceux n’ayant pas raté une miette de ce festival qui chaque année parvient à s’élever au-dessus du suivant.

Tous ceux qui ont vécu le FFCF étaient donc là. Les quelques membres masculins du staff, entourés de toutes ces femmes. Les membres des jurys, professionnel et étudiant. Et les spectateurs les plus assidus. Le festival aura beau avoir duré une semaine de moins qu’en 2009, celle-ci aura tout de même permis à chacun de se familiariser avec ses voisins de salle. Celle-ci n’était d’ailleurs peut-être pas pleine pour la clôture, mais elle l’était suffisamment pour montrer l’intérêt que chacun porte à ce festival. Il y eut moins de discours, même si l’inénarrable coréen de la compagnie aérienne Asiana, partenaire du festival, a pu placer un petit discours qui s’est montré populaire auprès des spectateurs (forcément enjoindre le Festival parisien à se montrer plus populaire que le Festival de cinéma coréen de Londres, se jouant à la même période, a boosté la salle).

Bien sûr, il y avait un palmarès à révéler. Un Prix du Court-Métrage Fly Asiana remis par des professionnels à Suicide of the Quadruplets avec Mention Spéciale à Somewhere unreached. Ce dernier a quant à lui raflé le Prix du Jury Jeune Public, catégorie court-métrage. Malheureusement je n’ai pu voir aucun de ces deux films pendant le festival. En tout je n’ai pu voir que neuf courts durant la semaine, dont cinq seulement parmi la sélection officielle. En revanche j’ai vu tous les longs-métrages de la sélection officielle, et j’étais donc assez curieux de découvrir quelle œuvre avait le plus charmé le Jury Jeune Public, et la déception fut au rendez-vous. Après avoir avoué avoir hésité avec My Dear Enemy et Oishi Man (le meilleur film de la sélection à mes yeux), les étudiants ont finalement remis le prix à… Vegetarian. Mouais. Certes le film est original, mais passé l’originalité, difficile de trouver là le film le plus méritant de la semaine. Par ailleurs, leurs hésitations révèlent que les membres du Jury Jeune n’ont jamais envisagé de remettre le Prix à un documentaire, alors que le genre frappait fort cette année entre l’assaut de l’usine de Before the Full Moon, les errances artistiques et humaines de Sogyumo Acacia Band’s Story le beau portrait de femmes de Earth’s Women, et la radicalité audacieuse de Taebaek, Land of Embers. Enfin.

La clôture du festival, c’est bien évidemment un film, aussi. L’année dernière, le FFCF s’était refermé dans la bonne humeur de Robot Taekwon V, une belle conclusion confirmant l’audacieux mélange des genres qu’avait été la manifestation. Cette année, force a été de constater que la diversité avait été moins recherchée, les programmateurs (hasard ou pas ?) ayant réuni des films qui avaient la particularité de tous s’attacher soit au social (la plupart des documentaires notamment) soit à des personnages paumés et en quête d’un but dans la vie. Du cinéma très mélancolique, voire amer, qui s’est confirmé dans le film choisi pour faire la clôture, Break Away.

Ce dernier film du FFCF 2010 suit deux garçons ayant déserté le service militaire pour des raisons personnelles qui ne nous sont pas révélées d’emblée. Ils deviennent vite les ennemis publics numéros 1 à travers le pays, avec flics et soldats à leurs trousses. Bien décidés à ne pas se faire attraper et à ne jamais remettre les pieds sur leur base, ils trouvent de l’aide en la personne de la petite amie de Hae-Joon, l’un des deux déserteurs. Mais combien de temps peuvent-ils tenir ainsi lorsque tout le pays semble les chercher ?

Pas de doute, Break Away s’inscrit dans la droite lignée des films du FFCF 2010. On y trouve deux personnages cherchant à s’extraire du carcan dans lequel la société veut les astreindre. Tristes et paumés, ils rêvent d’ailleurs, ils rêvent d’être libres de leurs gestes au sein d’une société où il ne fait pas bon sortir des sentiers battus. Avant que ne se dégage ce sentiment fort dans le long-métrage de Lee Song Hee-il, il faut tout de même traîner dans une course-poursuite un peu trop téléphonée. Le film démarre vite, nous plongeant dans la forêt avec les déserteurs qui ont déjà l’armée aux trousses. Pendant la première heure, peu de surprise. Le déroulement scénaristique suit une trame standard : les deux hommes se séparent dans leur cavale, chacun partant retrouver des êtres chers, pour l’un sa mère mourante, pour l’autre sa sœur, mais évidemment tout ce qui les attend sur ce chemin, ce sont les hommes qui les pourchassent, et ils se retrouvent donc de nouveau ensemble, finalement conscients que leur fuite ne passe pas inaperçue, et qu’elle ne pourra jamais mener à une vie normale.

Là où le film devient intéressant, c’est dans sa seconde partie, lorsque la course-poursuite se calme. C’est vrai qu’à un moment, les voir se pointer un peu partout et trouver à chaque fois les flics qui leur courent après rapidement, ça devient lassant. Mais lorsque le film se pose, qu’il prend le temps de mettre les personnages face à leurs possibilités et à leurs choix plutôt que de les placer dans un mouvement prévisible, le réalisateur parvient à insuffler du caractère à l’œuvre. Bien sûr il eut été préférable de s’écarter de la facilité dans laquelle Break Away se complait parfois un peu trop, mais finalement un rythme et une voix se font entendre, une voix criant son agacement des institutions, des préjugés et d’un certain immobilisme sociétal. Une voix amère bien sûr, représentative du cinéma qui nous a été projeté une semaine durant à l’Action Christine.

Après Break Away, la lumière est revenue une dernière fois pendant ce Festival Franco-Coréen du Film 2010. Un festival qui se sera révélé intense en se resserrant sur une semaine, même si sur ce tempo, il passe bien trop vite et s’avère épuisant. L’année prochaine, je sais déjà que les fidèles reviendront. Et j’espère qu’ils seront encore plus nombreux.

Rédigé par David Tredler

Jour 8 - Break Away : Cours soldat, cours [Festival Franco-Coréen 2010]

Un festival de plus du Festival Franco Coréen du Film s’achève et la nostalgie est déjà des plus vivace à l’écriture de ce billet. Cette cinquième édition a refermé ses portes avec un drame signé du cinéaste Lee Song Hee-il. A travers Break Away, il traite du destin de deux déserteurs de l’armée sud-coréenne et d’une femme pris dans leur cavale.

Je ne sais si Break Away (2009) était le “bon” film pour clôturer cette édition du FFCF 2010. L’an passé, les choses étaient plus légères. Cette année, peu de chose donnait à rire car ici ce qui se jouait était sérieux : la désertion dans l’armée et toute les conséquences qu’elle peut entraîner. Du coup, ce film prétendument « choc », j’aurais aimé le voir en compétition. Il aurait sans nul doute fait meilleur figure qu’un Vegetarian, grand gagnant de cette année, qui certes a un intérêt, mais à qui il manque tout de même ce quelque chose qui pourrait faire de lui LE compétiteur dans pareil festival. Mais là, je me perds. Revenons au film qui nous intéresse ici.

Break Away démarre plutôt bien. De l’agitation, trois hommes haletant perdus dans une immense forêt, des soldats à leur trousse, un hélicoptère en survol. Est-ce une escarmouche ? Sont-ils des soldats en terrain ennemi ? Nous sommes dans le flou avant de comprendre que nous avons à faire à trois soldats qui viennent de déserter pour des raisons qui leurs sont propres. On apprendra au fur et à mesure ce qui les a véritablement motivés à franchir le pas. Ce qui frappe tout d’abord, c’est que cette « chasse à l’homme » est très loin d’être amicale. Les soldats qui les prennent en chasse n’hésitent pas à tirer de vraie balle pour tout bonnement les abattre. On ne rigole pas avec les déserteurs. Nous allons vivre quotidiennement avec des hommes qui pénètrent de plein fouet dans une bataille contre la montre pour la survie. Sans rien révéler, nous suivrons par la suite deux de ces hommes ainsi qu’une femme, l’amie de l’un d’eux dans leur fuite désespérée. On peine à croire tout du long qu’ils puissent connaître une échappatoire sans heurt. On le sait au fond de nous. De telles histoires ne peuvent bien se terminer. Tous les trois destinés à une oraison funèbre qu’on imagine sanglante. Et l’ironie du sort en toute fin de métrage n’en sera que plus fataliste.

Break Away est plutôt bien foutu avouons-le. Lee Song Hee-il sait mettre en scène, il n’y a pas de doute là-dessus. Il y manque peut-être une touche un peu plus personnelle. La construction de son récit est linéaire, l’action monte en puissance jusqu’au dénouement finale, pas de problème de ce côté-là. Nous suivons les personnages durant six jours, chose qui n’est pas inintéressante en soit, et le cinéma regorge de ces films de cavale qui s’ils sont bien faits font passer un bon moment mais… mais ici, je regretterais pour ma part un côté caricatural et prévisible. Caricaturales sont les situations qui poussent les soldats à déserter. Break Away donne le sentiment de rejouer des motivations vues et revues avec des personnages qu’on retrouve souvent au cinéma. A la limite, ça passe. Ce n’est pas originale mais ne faisons pas non plus la fine bouche. Là où c’est plus embêtant c’est sur sa « prévisibilité ». On sait par avance comment les choses vont se dérouler (au-delà de la fin qu’on imagine « noir »). L’un appelle sa sœur pour la voir. Qui débarque ? La cavalerie ! L’autre veut voir sa mère malade et forcément qui se cache à proximité ? La cavalerie ! Il y a d’autre moment du même type qui montre que pour le coup l’originalité n’est pas le fort de Lee Song Hee-il.

Break Away est le genre de film qui se laisse regarder, qu’on contemple avec une certaine émotion tant qu’on se laisse convaincre par son histoire et ses personnages. Il est ce qu’il est. Pas un grand film. Pas une réussite totale mais un film potable qui, exempt de ses défauts, aurait pu être un film d’une puissance singulière. Ce qui est malheureux donc c’est qu’il n’échappe pas à quelques autres poncifs comme les envolées musicales pas toujours justifiées qui gâchent ce spectacle ou encore ses longueurs où l’ennui pointe à plusieurs reprises et où, disons-le, des scènes n’avaient rien à faire là. On aurait très bien pu s’en passer, et le film n’en aurait été que plus estimable. Sans ça, Break Away était à deux doigts d’être un film, pas majeur en soit mais (tout de même) d’une puissance évocatrice sur la dénonciation de l’état d’esprit et des agissements qui règnent dans l’armée. Une armée composée de soldats qui avant de l’être sont avant tous des hommes.

I.D.

Rédigé par I.D.

Jour 7 - Deux p’tits derniers avant la clôture : Elbowroom et Earth’s Women au FFCF 2010

Quand on est cinéphile et qu’on fréquente les salles parisiennes, les choix cornéliens sont une habitude hebdomadaire. Il n’y a décidément pas assez de jours dans une semaine pour voir tous les films que l’on voudrait voir, et c’est encore plus vrai lors d’une manifestation comme le Festival Franco-Coréen du Film où l’on voudrait voir tous les films programmés.

Lundi soir, il me fallait ainsi choisir entre voir le dernier film de la sélection 2010 à n’être pas encore passé devant mes yeux et le KOFA Classique Quit your lifequi me faisait terriblement envie après les coups de tatanes jubilatoires vécus samedi avec Returned Single-legged Man. Mais avant de me décider, quoi que je décide, je devais voir Elbowroom. Et ce n’est pas sans crainte que j’ai posé mes fesses devant ce drame prenant pour cadre un établissement pour personnes handicapées et pour héroïne Soo-hee, l’une des pensionnaires ayant à subir les abus physiques et psychologiques du personnel. Car si Lee Chang Dongs’est magnifiquement emparé d’un tel personnage pour son Oasis, le sujet est clairement casse-gueule et a une nette tendance à plonger ses spectateurs dans un état dépressifs.

Le début du film m’a d’ailleurs conforté dans mes doutes de pré-projection. Tout est brut dans le film de Ham Kyoung-Rock, et je me suis vu partir dans une spirale de noirceur à laquelle je ne me voyais pas m’accrocher. Je n’ai rien contre la noirceur, au contraire, mais celle-ci montrant des sévices sur des handicapés, je n’en avais pas envie. Pourtant à ma grande surprise, plus le film avançait, plus je m’y accrochais. L’austérité se fissure peu à peu pour laisser transparaître des émotions. Surtout, l’actrice principale, au cœur du film qu’elle porte de bout en bout, aimante la caméra et avec elle l’attention du spectateur. Le sujet, grave, profond est d’une banalité terriblement fascinante. De la peur des premiers instants nait finalement un film dur et beau.

Mais tout beau qu’il soit, Elbowroom confirme une nette tendance de la sélection 2010 du FFCF à un cinéma sombre, mélancolique et social qui aura laissé peu de place à la légèreté et à l’humour. Bien sûr Crazy Lee et les KOFA FFCF Classiques auront pu remplir ce rôle, mais il semblait tout de même manquer de rupture de ton dans les films sélectionnés pour la compétition, contrairement à une édition 2009 où les films n’étaient peut-être pas d’une qualité supérieure mais offraient tout de même une plus grande diversité de genre, à l’image de Rough Cut, Viva ! Love ouNorwegian Woods, lorsque cette année, sortis des documentaires sociaux et des drames dopés au spleen, il n’y avait pas grand-chose.

C’est pour cela qu’après Elbowroom, j’ai finalement opté pour Earth’s women plutôt que pour Quit your life. Je m’étais juré de voir tous les films en compétition, et celui-ci était le dernier qui me manquait. Je voulais m’assurer qu’il n’y avait décidément pas de comédie cette année parmi la sélection du FFCF.
Évidemment, c’est dans ces moments-là qu’un film arrive pour contredire les conclusions de fin de festival, et que je me mets donc à rire. Eh oui, Earth’s women a beau être un documentaire social lui aussi (encore), mais ça n’empêche pas sa réalisatrice Kwon Woo-Jung de nous faire rire. Pour son deuxième long-métrage, Kwon a suivi pendant un an et demi trois femmes ayant choisi, après leurs études près de deux décennies plus tôt, de s’installer à la campagne et de devenir agricultrices. Si Earth’s Womenn’est certainement pas le documentaire le plus abouti cinématographiquement, avec une structure et une approche plus classique que les autres documentaires, le film n’en est pas moins un triple portrait de femmes sachant se montrer savoureux.

La réalisatrice se penche sur leur passé, leur arrivée à la campagne des années plus tôt, leur adaptation, et le rôle que chacune d’elle joue aujourd’hui au sein de leur communauté. L’humour surgit constamment dans la première partie du film, avant de mettre en avant les luttes sociales et l’émotion d’une des femmes devenant brutalement veuve. Peut-être aurais-je moins apprécié Earth’s women si je l’avais vu en début de festival. Mais après tous ces films sombres et amers (tout en étant bons, voire très bons pour certains d’entre eux) qui ont composé les longs-métrages de la sélection 2010 du FFCF, cette petite bouffée d’air campagnarde m’a fait le plus grand bien. C’est bon, je suis prêt pour la clôture !

Ah oui, et pour ceux qui ont compté et se disent que non, je n'ai pas vu tous les films de la sélection puisqu'ils n'ont vu nulle part trace d'un avis sur Sakwa, rassurez-vous, c'est juste que le film ne m'a pas inspiré le moins du monde l'envie d'écrire dessus. Ce faux triangle amoureux pas vraiment mauvais mais invraisemblablement long m'a laissé totalement insensible et mortellement ennuyé, à un degré tel que je ne voulais pas écrire la moindre ligne dessus. Et bien sûr maintenant c'est raté, voilà que je me suis mis à écrire dessus. Tant pis !

Rédigé par David Tredler

Jour 8 - Le bout de la jetée/The end of the pier



La cinquième édition du Festival Franco-Coréen du Film s'est achevée hier soir à l'Action Christine (Paris, France). Avant la projection du film de clôture, les membres des deux jurys ont tout d'abord décerné les prix :

The fifth edition of the French-Korean Film Festival came to an end last night at the Action Christine (Paris, France). Before the screening of the closing movie, the members of the two jurys awarded the winning films:
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Prix Jeune Public - long métrage : Vegetarian de LIM Woo-seong (2009).
Prix Jeune Public - court-métrage : Somewhere Unreached de KIM Jae-won (2009).
Prix FlyAsiana - court-métrage : Suicide of the Quadruplets de KANG Jin-a (2008).

Remis par le réprésentant de la compagnie aérienne Asiana Airlines, sponsor du festival, le prix FlyAsiana consiste en un billet d'avion aller-retour Séoul/Paris afin que la réalisatrice KANG Jin-a puisse venir assister à la prochaine édition en 2011.



Film de clôture du festival, Break Away de LEE-SONG Hee-il appartient à ce genre de films coréens qui traitent de façon frontale du service militaire obligatoire en Corée, de certains abus graves qui se pratiquent dans les casernes et des conséquences psychologiques que ces abus entraînent sur les jeunes. Trois soldats désertent, chacun pour sa propre raison. Vivant dans l'ombre de son père, un militaire de carrière, Dong-min ne supporte plus les remontrances de ses officiers. Min-jae est régulièrement violé par un supérieur. Quant à Jae-hoon, on lui a refusé ses demandes de permission pour visiter sa mère atteinte d'un cancer en phase terminale et injoignable depuis plusieurs jours. À Séoul, So-young, la petite amie de Jae-hoon, leur vient en aide. Une chasse à l'homme impitoyable s'engage alors dans tout le pays pour retrouver les déserteurs et leur complice.

Davantage peut-être que les raisons pourtant fortes qui poussent les personnages à fuir l'armée, c'est avant tout la démesure de moyens et de violence que celle-ci met en oeuvre pour les retrouver qui choque. Présentés dans les media comme des criminels évadés de prison et traqués comme tels, les personnages n'ont aucun échappatoire ni aucun répit. La presqu'île coréenne est un étau géographique naturel, à l'image de sa chappe de plomb politique. Comme le fait remarquer So-young : "Ce foutu pays est trop petit." La jetée où se conclut brutalement leur fuite est l'achèvement inéluctable d'un rêve de liberté presque accessible (le bateau qui doit les emmener en Chine, là-bas au-delà de l'horizon), mais néanmoins impossible dans un pays encore marqué par le souvenir d'une dictature de 30 ans.

Un film de clôture comme un coup de poing au moral, néanmoins parsemé de beaux mais brefs moments d'espoir (le premier baiser échangé par Jae-hoon et So-young, sales et blessés à l'arrière d'une voiture en fuite ; leur scène d'amour suggérée sur la plage) et de belles idées de mise en scène jouant souvent sur l'ellipse et le hors-champ (le policier abattu dans un champ lors d'une cavale ; So-young qui entre dans une banque où ses comparses tiennent déjà les employés en joue). Et on n'oubliera pas de sitôt cette réplique prophétique de Jae-hoon, murmurée dans un état second au milieu d'une cavale désespérée : "Le vent dans les feuillages, c'est le rire des mourants."

Sébou/세부


En savoir plus :
- http://ffcf.blogspot.com (Blog officiel du Festival) ;
- CINEMA: Bulle FFCF #01 - Ouverture du 5ème Festival Franco Coréen du Film ;
- CINEMA: Bulle FFCF 2010 #2 - Petit traité du capitalisme d'épouvante ;
- CINEMA: Bulle FFCF 2010 #3 - My Dear Festival ;
- CINEMA: Bulle FFCF 2010 #4 - Petite histoire du cinéma documentaire sud-coréen ;
- CINEMA: Bulle FFCF 2010 #5, La classe du maître ;
- CINEMA: Bulle FFCF 2010 #6 - À la vie, à la mort, le film d'action coréen ;
- http://www.ffcf-cinema.com/programme-2010/section/selection-2010/vegetarian ;
- http://www.ffcf-cinema.com/programme-2010/section/selection-2010/somewhere-unreached ;
- http://www.ffcf-cinema.com/programme-2010/section/selection-2010/suicide-of-the-quadruplets.












Young Audience Award - feature film : Vegetarian de LIM Woo-seong (2009).
Young Audience Award - short film : Somewhere Unreached de KIM Jae-won (2009).
Prix FlyAsiana Award - short film : Suicide of the Quadruplets de KANG Jin-a (2008).



Bestowed on by the representative of the festival's sponsor Asiana Airlines, the FlyAsiana award consists in a return ticket from Seoul to Paris, given to director KANG Jin-a so that she may attend the next edition of the festival in 2011.

Closing film of the festival, LEE SONG Hee-il's Break Away belongs to this kind of Korean movies that deal head-on with the controvert mandatory military service, and also with certain serious abuses that are practiced in the barracks and of course with the psychological effects these abuses have on young people. Three soldiers desert, for their own reasons. Living in the shadow of his father, a career military man, Dong-min can no longer bear the remonstrances of his officers. Min-jae is regularly violated by a superior. As for Jae-hoon, he was denied his requests for permission to visit his mother who suffers from terminal cancer and who can't be reached for several days. In Seoul, Jae-hoon's love interest, So-young, agrees to help them. A ruthless manhunt begins throughout the country to find the deserters and their accomplice.


Perhaps more significant than the yet grave reasons that lead the characters to escape the army, it is the excessive methods and violence the army uses to chase them that shocks the most. Presented in the media as criminals and tracked as if they were prison escapees, the characters have no escape and no respite. Just like the politics' stranglehold on the people, the Korean peninsula is a natural geographical vise. As noted by So-young: "This damn country is too small." The pier where their escape abruptly ends is the foregone conclusion of a dream of freedom they almost reach (the boat that will take them to China, over there beyond the horizon), but still an impossible one, in a country still marked by the memory of a 30-year-long dictatorship.


A closing film like a punch to the morale, yet one that allows some beautiful but brief moments of hope to its characters (the first kiss shared by Jae-hoon and So-young, dirty and wounded in the back of the getaway car; their suggested love scene on the beach) and some nice mise-en-scene ideas often playing on the ellipse and the out-of-frame (the policeman shot dead in a field during a chase; So-young walking into a bank where her cronies are already holding the employees at gunpoint). And we won't soon forget this prophetic line of dialogue murmured by a dazed Jae-hoon in the midst of a desperate runaway: "The wind in the trees is the laughter of the dying people."

Sébou/세부

To learn more:
- http://ffcf.blogspot.com (Official Festival Blog) ;
- CINEMA: Bulle FFCF #01 - 5th French-Korean Film Festival Opening ;
- CINEMA: Bulle FFCF 2010 #2 - Short treaty on horror capitalism ;
- CINEMA: Bulle FFCF 2010 #3 - My Dear Festival ;
- CINEMA: Bulle FFCF 2010 #4 - Short story of the South-Korean documentary film ;
- CINEMA: Bulle FFCF 2010 #5, The master's class ;
- CINEMA: Bulle FFCF 2010 #6 - From life to death, the Korean action film ;
- http://www.indiewire.com/film/vegetarian ;
- http://us.sifff.org/program/program_view.asp?MOVIEINFOIDX=97 ;
- http://www.indiestory.com/English/html/indie_filmContent.asp?filmIdx=1019&filmCate=1&filmGenre=&page=13&filmKeyword=&ordby=filmIdx.

Rédigé par Sébou

mardi 16 novembre 2010

Jour 7 - Quit Your Life : La corde au cou [Festival Franco-Coréen 2010]

Premier long-métrage de l’esthète du film d’action coréen, Park Nou-siksigne un non moins « magistral » Quit Your Life / Ingansapyoleul sseola (1971) où son personnage principal, Cheol-ho opère une vengeance contre Dal-gyu et ses hommes. Ces derniers sont les responsables de la mort de son ami, Jeong-su, durant leurs travaux forcés dans une mine d’or en Mandchourie. Cheol-ho, porté disparu revient hanter les assassins de son ami et rencontre sa femme Young-suk qui est depuis devenue aveugle. Cheol-ho ne parvient pas à lui dire que Jeong-su est mort. Il se fait donc passer pour lui…

Quit Your Life mélange mélodrame et action mais il n’échappe pas non plus à un aspect plus kitsch qui le rend parfois risible et c’est tout à son honneur. Ce qui frappe tout d’abord dans ce premier long-métrage c’est la composition de certains plans et mouvements de caméra qui feraient presque rappeler la mise en scène furieuse d’un Kinji Fukasaku. Il y a des choses ma foi fort intéressante à ce propos. Mais ce qui frappe surtout dans un tel film c’est l’exubérance décomplexée qu’il pouvait exister à cette époque. Et là, nous sommes servis. Elle va de scènes improbables aux répliques tonitruantes tout en passant par un montage tellement « cut » qu’on croirait des morceaux de pellicules disparues. Un tel montage (si effectivement, il ne manque pas de scènes) apporte une vivacité de tous les instants comme si le personnage de Cheol-ho était sous une tension permanente. Comme si l’action était prête à reprendre d’un instant à l’autre. Cette apparence « survoltée » est souvent assagie par les moments plus mélo’ où s’invite Young-suk. Et là, je m’éprends à rêver d’un Quit You Life sans fioriture mélodramatique. Ça aurait été quelque chose. Une espèce de course à la vengeance mais il n’en est rien. Est-ce si malheureux pour autant ? Non puisque si le mélo’ n’est que rarement ma tasse de thé, il révèle pour moi, spectateur profane du cinéma seventies coréen, une particularité : les hommes, mêmes les plus viriles, pleurent. Fascinant. Un héro qui est là pour tuer sans concession aucune n’a pas de honte à pleurer.

Mais Quit Your Life est aussi révélateur de ce que pouvait être la Corée à une époque. En premier lieu par le biais du long flash-back où Jeong-su est tué. Mandchourie en Chine : l’occupation japonaise. Des coréens travaillent dans une mine d’or, des travaux forcés et un acte infâme qui en découle, lourd de sens. Puis, retour aux seventies. Epoque de la consommation de masse où il est amusant de voir Cheol-ho faire visiter son nouveau chez lui à Young-suk : un appartement tout équipé, le « must » en ces temps-là qui tranche avec la vie « pauvre et vétuste » des campagnes où l’héroïne vit. La Corée du Sud change, elle devient moderne semble nous suggérer la séquence. L’héroïne, justement de ce long-métrage est pure comme si le héro ne pouvait partager des moments si déchirants avec une femme d’une autre condition. Ainsi, on apprend qu’elle est toujours vierge à trente et un ans. C’est une femme bien, on n’en doute pas ; douze ans qu’elle attendait son amour. Tout autant qu’est le héro dont la pureté est lavée par le sang qu’il fait couler jusqu’à ce final émouvant, faisant rappeler la fin de The Killer de John Woo, mais avant cela...

On l’a vu séduire une femme alors qu’il se fait passer pour Jeong-su auprès de Young-suk. Mais pas de panique cela faisait partie de son plan. Ouf, l’honneur est sauf. C’est un mec bien, on vous dit. Avec Quit Your Life, on assiste à quelques jolies scènes d’action qui virent aux granguignolesques. Une scène en particulier me trotte en tête. L’acharnement qu’il a à immoler deux « ennemis » alors même que la cible principale prend fuite et le distance, mais ça ne l’arrête pas. Il prend le temps d’immoler comme il faut ses opposants pour leur faire comprendre qu’il ne s’agit pas de l’embêter. Anthologique ! Et tout aussi culte l’utilisation de la « corde du pendu » comme arme. C’est juste hilarant. Le voir au coude à coude avec le méchant de service, chacun au volant de leur véhicule, la vitesse, la tôle qui se froisse puis dans le même temps ce lancé de corde mémorable qui enlace le cou du méchant. A faire pâlir un cow-boy et son lasso, je vous dis. On pourrait aussi évoquer le roulé boulé effectué pour descendre une marche de dix centimètres ou encore la présence du chat en début de film ! Oui, je l’oubliais celui-là, le chat du méchant qui se trouve dans le bureau de ce dernier dans un gratte-ciel ! Un grand n’importe quoi. Un chat qui lui fait peur et lui saute brutalement dessus. On imagine l’assistant derrière la caméra lançant la bestiole sur l’acteur. Marrant.

Quit Your Life est généreux dans ce qu’il nous montre. Il n’échappe pas à quelques moments un peu mous mais je garderais (pour ma part) de son film son côté plus furieux et décomplexé de toute limite dans le vif de l’action. Park Nou-sik nous fait passer un agréable moment et ce même après trente neuf ans passé.

I.D.

Rédigé par I.D.