Ca passe vite une semaine, lorsqu’on la comble par une pluie de films coréens. Eh oui, il est déjà fini cet enchaînement frénétique de longs et courts métrages entre les deux salles de l’Action Christine ! Beaucoup de souvenirs en perspective, cinématographiques et humains. Mardi soir, pour célébrer la clôture du festival, les spectateurs se bousculaient moins qu’à
cette soirée inaugurale particulièrement courue. Cette dernière soirée aura plutôt été la réunion des fidèles, de ceux que l’on aura vus tout au long de la semaine, ceux n’ayant pas raté une miette de ce festival qui chaque année parvient à s’élever au-dessus du suivant.
Tous ceux qui ont vécu le FFCF étaient donc là. Les quelques membres masculins du staff, entourés de toutes ces femmes. Les membres des jurys, professionnel et étudiant. Et les spectateurs les plus assidus. Le festival aura beau avoir duré une semaine de moins qu’en 2009, celle-ci aura tout de même permis à chacun de se familiariser avec ses voisins de salle. Celle-ci n’était d’ailleurs peut-être pas pleine pour la clôture, mais elle l’était suffisamment pour montrer l’intérêt que chacun porte à ce festival. Il y eut moins de discours, même si l’inénarrable coréen de la compagnie aérienne Asiana, partenaire du festival, a pu placer un petit discours qui s’est montré populaire auprès des spectateurs (forcément enjoindre le Festival parisien à se montrer plus populaire que le Festival de cinéma coréen de Londres, se jouant à la même période, a boosté la salle).
Bien sûr, il y avait un palmarès à révéler. Un Prix du Court-Métrage Fly Asiana remis par des professionnels à
Suicide of the Quadruplets avec Mention Spéciale à
Somewhere unreached. Ce dernier a quant à lui raflé le Prix du Jury Jeune Public, catégorie court-métrage. Malheureusement je n’ai pu voir aucun de ces deux films pendant le festival. En tout je n’ai pu voir que neuf courts durant la semaine, dont cinq seulement parmi la sélection officielle. En revanche j’ai vu tous les longs-métrages de la sélection officielle, et j’étais donc assez curieux de découvrir quelle œuvre avait le plus charmé le Jury Jeune Public, et la déception fut au rendez-vous. Après avoir avoué avoir hésité avec
My Dear Enemy et
Oishi Man (le meilleur film de la sélection à mes yeux), les étudiants ont finalement remis le prix à…
Vegetarian. Mouais. Certes le film est original, mais passé l’originalité, difficile de trouver là le film le plus méritant de la semaine. Par ailleurs, leurs hésitations révèlent que les membres du Jury Jeune n’ont jamais envisagé de remettre le Prix à un documentaire, alors que le genre frappait fort cette année entre l’assaut de l’usine de
Before the Full Moon, les errances artistiques et humaines de
Sogyumo Acacia Band’s Story le beau portrait de femmes de
Earth’s Women, et la radicalité audacieuse de
Taebaek, Land of Embers. Enfin.
La clôture du festival, c’est bien évidemment un film, aussi. L’année dernière, le FFCF s’était refermé dans la bonne humeur de
Robot Taekwon V, une belle conclusion confirmant l’audacieux mélange des genres qu’avait été la manifestation. Cette année, force a été de constater que la diversité avait été moins recherchée, les programmateurs (hasard ou pas ?) ayant réuni des films qui avaient la particularité de tous s’attacher soit au social (la plupart des documentaires notamment) soit à des personnages paumés et en quête d’un but dans la vie. Du cinéma très mélancolique, voire amer, qui s’est confirmé dans le film choisi pour faire la clôture,
Break Away.
Ce dernier film du FFCF 2010 suit deux garçons ayant déserté le service militaire pour des raisons personnelles qui ne nous sont pas révélées d’emblée. Ils deviennent vite les ennemis publics numéros 1 à travers le pays, avec flics et soldats à leurs trousses. Bien décidés à ne pas se faire attraper et à ne jamais remettre les pieds sur leur base, ils trouvent de l’aide en la personne de la petite amie de Hae-Joon, l’un des deux déserteurs. Mais combien de temps peuvent-ils tenir ainsi lorsque tout le pays semble les chercher ?
Pas de doute,
Break Away s’inscrit dans la droite lignée des films du FFCF 2010. On y trouve deux personnages cherchant à s’extraire du carcan dans lequel la société veut les astreindre. Tristes et paumés, ils rêvent d’ailleurs, ils rêvent d’être libres de leurs gestes au sein d’une société où il ne fait pas bon sortir des sentiers battus. Avant que ne se dégage ce sentiment fort dans le long-métrage de Lee Song Hee-il, il faut tout de même traîner dans une course-poursuite un peu trop téléphonée. Le film démarre vite, nous plongeant dans la forêt avec les déserteurs qui ont déjà l’armée aux trousses. Pendant la première heure, peu de surprise. Le déroulement scénaristique suit une trame standard : les deux hommes se séparent dans leur cavale, chacun partant retrouver des êtres chers, pour l’un sa mère mourante, pour l’autre sa sœur, mais évidemment tout ce qui les attend sur ce chemin, ce sont les hommes qui les pourchassent, et ils se retrouvent donc de nouveau ensemble, finalement conscients que leur fuite ne passe pas inaperçue, et qu’elle ne pourra jamais mener à une vie normale.
Là où le film devient intéressant, c’est dans sa seconde partie, lorsque la course-poursuite se calme. C’est vrai qu’à un moment, les voir se pointer un peu partout et trouver à chaque fois les flics qui leur courent après rapidement, ça devient lassant. Mais lorsque le film se pose, qu’il prend le temps de mettre les personnages face à leurs possibilités et à leurs choix plutôt que de les placer dans un mouvement prévisible, le réalisateur parvient à insuffler du caractère à l’œuvre. Bien sûr il eut été préférable de s’écarter de la facilité dans laquelle Break Away se complait parfois un peu trop, mais finalement un rythme et une voix se font entendre, une voix criant son agacement des institutions, des préjugés et d’un certain immobilisme sociétal. Une voix amère bien sûr, représentative du cinéma qui nous a été projeté une semaine durant à l’Action Christine.
Après Break Away, la lumière est revenue une dernière fois pendant ce Festival Franco-Coréen du Film 2010. Un festival qui se sera révélé intense en se resserrant sur une semaine, même si sur ce tempo, il passe bien trop vite et s’avère épuisant. L’année prochaine, je sais déjà que les fidèles reviendront. Et j’espère qu’ils seront encore plus nombreux.
Rédigé par David Tredler